Dire que le mot « pandémie » n’évoquait jusque-là, pour moi, qu’un sympathique jeu de société.  Vous vous rendez compte ? Mais ça, c’était avant !
Entre temps, un virus a déferlé sur le monde et bouleversé bien des choses.
Par son pouvoir, un autre mot, jusque-là très théorique pour moi, a pris corps, j’ai nommé « Confinement ».
En ce qui me concerne, ce sera en ville, dans un appartement, avec moi-même.

De nature optimiste, il ne me fallut pas longtemps pour me rendre compte que j’avais, là, une opportunité.
Moi, qui ne faisais que courir après un « futur » incertain, à manquer parfois – souvent ? – d’oxygène, la vie m’offrait une pause. Pas comme des vacances, qui sont déjà remplies avant de commencer. Non, une vraie pause.
Sur la scène de ma vie, me voici à la première et unique place. Je joue à guichets fermés et sans spectateurs. Quelle partie de moi vais-je choisir d’exprimer ? Comment mettre à profit cette présence ? Ce « présent » ?

Pendant que vagabondent mes pensées, mon regard est irrésistiblement attiré par le parc au-dessous de mes fenêtres. Moi, qui ai réussi à tout surmonter grâce au pouvoir ressourçant de la nature, j’étais condamnée, en ces temps compliqués, à rester cloîtrée. Autorisation d’observer mais pas de toucher ! Dur !
Cela m’amuse beaucoup de voir comment la nature continue son petit bonhomme de chemin, indépendamment de ce qui nous arrive, imperturbable.
Aaaahh ! C’est comme si elle me narguait à reprendre ainsi vie pendant que moi, je dois me retirer pour hiberner ! Et pour la peine, elle y met les grands moyens ! C’est toute sa palette qu’elle a sortie : des bourgeons par-ci, des belles fleurs aussi, de douces odeurs par là… Généreuse comme à son accoutumée, c’est un vrai festival !
Avec le soleil pour la sublimer, elle n’a jamais été aussi belle ! À moins que ce soit moi, qui ne prenais plus le temps de la savourer ?

Et que dire de cet écureuil qui a réapparu dans mon parc ? Ou était-il passé ? Était-il lui-même trop affairé ?
C’est drôle, chaque jour qui passe, il bondit de moins en moins… Ce ne serait donc pas dans sa nature de sauter à tout va ? Fuyait-il peut-être quelque chose ? Ou quelques-uns ?
Aujourd’hui c’est l’homme qu’on a mis en cage, à lui la liberté !

Et même si le spectacle du printemps me ravit, rien ne me touche autant que de voir, en ce moment, à l’affiche : le réveil de notre humanité.
C’est bizarre à dire, mais, alors que je vis dans l’isolement quasi total, je ne me suis jamais autant sentie entourée.
Que ce soit grâce à tous ces messages et appels que je reçois, touchants, tant par leur nombre que par leur bienveillance ! Que ce soit face à l’éclosion d’initiatives solidaires : des masques cousus par de douces mains à l’aide promulguée aux personnes vulnérables. Il en fleurit partout autour de nous ! Sans oublier ce vibrant hommage rendu au personnel médical (et à toutes ces personnes qui œuvrent pour nos besoins quotidiens : pharmaciens, laborantins, pompiers, commerçants, postiers, éboueurs …) ? Grandement mérité pour ceux qui le reçoivent, il transcende aussi ceux qui le donnent. Quelle splendide mélodie, celle qui réussit à mettre nos cœurs au diapason !
Un parfum de solidarité se lève sur le pays, il gagne chaque jour en intensité. Et son pouvoir est tel que, pour nos malades, il arrive même à créer des ponts par-delà les frontières… fermées !
Je n’ai jamais été aussi fière d’être humaine parmi les humains ! Je me sens comme une orpheline qui aurait retrouvé sa famille.
Dans ma vie au ralenti, je n’en perds pas une miette. C’est comme une explosion d’humanité qui, à l’image du pollen, flotte partout dans l’air, peut parfois piquer les yeux, mais fait tellement de bien au cœur !

Bien sûr tout n’est pas rose, ni facile… Bien-sûr, on risque de perdre quelques feuilles et même plus durant cet hiver prolongé…  Mais c’est aussi en hiver que l’on prépare son été. Les conditions sont plus favorables que jamais : le vent frénétique de notre quotidien est tombé et les sols, disponibles et fertiles, ne demandent qu’à être exploités.
Regardez ce qu’une seule petite graine a réussi à provoquer. Tous les soirs, à 20 heures, ce ne sont pas que nos fenêtres que nous ouvrons sur le monde. Et quand je me retrouve là, avec vous, sous les étoiles, je me dis que notre champ d’action a des possibilités aussi vastes que ce ciel purifié qui se déploie devant nous.
L’occasion est trop belle ! Alors, allons-y, mettons-y, nous aussi, notre grain de sel, de moutarde, de sable ou de folie… Toutes les variétés seront grandement appréciées, au nom de « l’humano-diversité » ! Et bonne nouvelle : dans ce domaine, nul besoin d’économiser. Le cœur, plus il se dépense et plus il s’expanse !
Nous n’avons pas tous le pouvoir de sauver des vies, mais nous avons tous en nous, de belles parcelles d’humanité. De quoi contribuer au plus luxuriant jardin jamais rencontré !

Alors que nos corps sont enfermés, nos cœurs sont en train de fleurir.
J’ai le doux sentiment d’assister au printemps de l’humanité…
Puisse-t-il nous promettre un magnifique été !