Avez-vous déjà utilisé cette expression ? Je vous souhaite d’avoir eu, au moins, l’occasion de la lire ou l’entendre.
Ressentez-vous, vous aussi, toute la bienveillance contenue dans la combinaison de ces quatre petits mots ? Personnellement, j’apprécie beaucoup de les recevoir. Pour leur chaleur mais aussi parce qu’ils me rappellent que je suis le commandant de mon navire, que j’ai le pouvoir de faire de ma vie ce que j’en souhaite : un sentiment bien vivifiant !

Pour autant, cette expression a ses limites.
Vous savez, le jour où vous êtes allongé, malade, abandonné de toute force …
Comment pourriez-vous prendre soin de vous quand vous n’avez aucune énergie ?

Ça m’est arrivé récemment.
Je n’étais capable d’absolument rien pendant des heures, des jours et des semaines. J’avais tellement mal que je n’arrivais même pas à m’assoir, à lire ou quoi que ce soit.
Le choix de mes options était vite fait : végéter, oui, mais avec ou sans vidéos ?
Au mieux, je bénéficiais d’une autonomie de 20 min par jour, ce qui me coûtait ensuite la bagatelle de dix à quatorze heures de sommeil en récupération !
L’indépendante et autonome que je suis s’est vite retrouvée obligée d’accepter sa faiblesse. Seule, en tête à tête avec mon impuissance et ma souffrance, je n’avais qu’une envie : crier au monde ma détresse : « S’il te plaît, prends soin de moi ! »

On a dû m’entendre puisqu’une infirmière est venue.
Comme c’était bon de voir un visage -ou plus précisément un bout de visage- humain. Ça valait bien une petite piqûre !
J’avoue que j’aurais largement préféré un câlin ! Mais on n’en prescrit pas encore… Dommage !
Comme c’est dur d’être seule dans ces moments-là ! Impossible de se relâcher puisqu’il n’y a personne pour prendre le relais ! Un câlin m’aurait permis cela… m’aurait apporté des arcs-en-ciel et des paillettes… là, où il n’y avait qu’obscurité et froideur…
Le seul geste de douceur est arrivé au bout de deux semaines, chez mon médecin.
Alors que la douleur m’arrachait quelques pleurs, délicatement, d’un revers de doigt, il essuya, un peu ces larmes qui perlaient sur mon visage. J’eus le sentiment de revenir à la vie, pour quelques instants.
Je ne sais pas s’il existe des études scientifiques sur la question… Mais pour ma part, pas de doute ! Ce geste a dynamisé mon système immunitaire bien plus que n’importe lequel des médicaments !

C’est incroyable comme cette expérience m’a donné l’occasion de me sentir vulnérable !
Et vous savez ce qui m’a tenu le plus chaud durant cette période ?
Certainement pas mon indépendance ! Elle était K.O. avec moi au fond de mon lit !
Encore moins ces araignées qui, dans mon appartement, déambulaient avec un petit air de satisfaction affiché.
Non c’était un concept, dont vous avez sûrement entendu parler, on appelle cela la « solidarité ». Ce mot a beau opérer en solo, dans ces circonstances, je peux vous l’affirmer, comme il est fort et musclé ! Dans ses bras, je me suis laissée faire et j’ai savouré.

Inimaginable le nombre de personnes qui se sont proposées pour s’occuper de mes courses ou de mes médicaments ! Quel bonheur ! Car bien qu’il y en eût plus que nécessaire, chaque proposition avait l’effet d’une caresse pour mon cœur.
J’ai été tellement touchée par tout ce soutien ! Que ce soit ceux qui m’ont soutenue par des mots, par un appel, par des attentions dans ma boîte aux lettres… Certains m’ont même apporté des repas ou friandises préparés exprès pour moi ! Vous vous rendez compte ? Avoir un repas digne de ce nom après des jours à ne rien pouvoir se préparer ? Il n’y a aucun mot…
Moi, qui vivais dans l’illusion de n’avoir besoin de quiconque, je me demande ce que j’aurais fait sans toutes ces belles personnes ?

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je suis reconnaissante à la vie de m’avoir permis d’être seule face à cette souffrance. Sans cette solitude, je ne me serais pas ouverte, ainsi, aux autres.
Si j’avais eu quelqu’un pour prendre soin de moi… Cela aurait certainement rétréci mon monde à cette personne. Et, je ne me serais pas autant rendu compte combien les gens qui nous entourent sont bons et généreux, combien la nature humaine est merveilleuse, combien ce qui nous unit peut être doux et chaleureux.

Cependant, je n’ai pas changé d’avis, je ne souhaite toujours pas être sauvée.
Et puis, qui peut prétendre avoir ce pouvoir ? Pour me sauver, il faudrait savoir d’où je viens, pourquoi j’en suis là, ce que je me souhaite, où je vais … Tout un monde à considérer !
De belles personnes ont essayé. C’est vrai qu’elles m’ont beaucoup apporté ! Mais à court terme seulement. A moyen terme, je n’ai ni progressé ni acquis les ressources nécessaires à mon avancée. Un peu à l’image de la chenille qui doit se transcender pour devenir papillon : si on intervient, comment peut-elle développer la force nécessaire à sa transformation ?
Sans oublier qu’à chaque fois que quelqu’un a pris les commandes de mon bateau, j’ai perdu confiance en moi, en ma capacité à naviguer. Résultat : j’ai fini par devenir dépendante ou rester à quai.

Au mot « sauver », je préfère le mot « contribuer ». Contribuer c’est participer, donner une part, celle que l’on veut bien, en toute liberté. Aucune attente, aucune prétention, le plaisir d’offrir, tout simplement. C’est tellement plus léger !
Chacun reste au centre de sa vie, aux commandes de son navire. Nous créons juste un pont pour se rejoindre et ainsi, transcender nos individualités. Par ton soutien, sous quelque forme que ce soit, je me reconnecte à ma motivation et à ma confiance en moi. C’est formidable, tu me donnes des ailes au lieu de me les couper !
Quand je contribue, je me sens reliée. Je ne le fais pas pour moi, même pas vraiment pour l’autre, je le fais parce que nous faisons partie de la même famille, celle des humains et qu’il est bon de se le rappeler.
C’est comme dans toutes les familles. Nous ne sommes pas toujours d’accord, nous pouvons être très différents, nous ne validons pas toujours les choix et opinions de chacun… mais quelle douce force ce lien qui nous unit, malgré tout.

Aujourd’hui, même si tout ceci est derrière moi, je ne peux plus vivre dans l’illusion que je suis seule. Ma vie a pris une nouvelle dimension avec cette envie de contribuer au bonheur, au bien-être des membres de ma famille humaine.
Pas envie d’espérer qu’une loi passe en ce sens, qu’une ordonnance le prescrive ou qu’une quelconque mode me le suggère…  Je ne veux plus attendre d’aller mal pour m’en rappeler.
Les moyens varient selon les situations, mon envie et mes possibilités, mais que ce soit pour mon entourage ou des humains « non connus », je prends plaisir à entretenir régulièrement le foyer de l’humanité.

Alors oui, prends soin de toi !
Pour toi, afin de pouvoir expérimenter la meilleure version de toi-même. Pour ceux qui t’aiment, car tu leur es précieux, précieuse. Mais aussi pour nous tous, puisque ton bien-être aura une influence sur chacun d’entre nous, qu’on se connaisse ou non.

Prenons, également, soin les uns des autres !
Ainsi, de personne en personne, la planète se retrouvera vite contaminée par une épidémie de solidarité et l’on pourra ressentir comme il est bon d’être, de la sorte, tous connectés.
Ainsi, je pourrai avancer dans la vie, en toute sérénité, sachant que les jours où j’irai moins bien, où je serai dans l’incapacité de donner, la flamme de notre foyer saura se rappeler à moi, saura me réchauffer le cœur par le biais d’un ou d’une autre qui sera en train de contribuer…

Finalement, rien d’étonnant à tout ça ! A force de donner des ailes à une chenille, on ne peut que se retrouver avec l’effet papillon !